La nuit avait maintenant cessé de s'étendre, venait lentement le reflux des ténèbres avec la promesse de l'aube naissante : bientôt, peut-être, la vérité jaillirait. L'Ombre de Valognes elle-même s'était arrêtée un instant, non point repue mais simplement attentive dans le dénouement.
Ce n'était pas terminé, pas encore. Ils approchaient tous maintenant, les vivants et les morts, ils se rejoignaient au cœur du château pour ce qui serait le jugement ultime : procès, décision, sentence. L'heure était finalement venue.
Approchez tous contemplez votre œuvre : Don Juan a cessé de fuir, il affrontera son sort. Quelque soit la décision du Ciel le mythe traverserait maintenant la réalité.
De l'obscurité à l'aube venait maintenant la révélation.
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Bien avant cette nuit Don Juan était venu à Valognes. Pour qui ou pour quoi ? Rien ni personne, mais il trouverait quelqu'un qui changerait tout pour lui. C'était il y a longtemps, c'était encore tout récent. Quelques mois qui marquèrent plusieurs vies et enclenchèrent cette fameuse Nuit de Valognes.
Au Premier Jour il fut une statue :- Mon maître voyez, c'est effroyable ! La statue devant nous, elle bouge, elle vous appelle !
- Les statues sont immobiles Sganarelle, il y a là quelques mystères et autre aventures : allons voir cela !
- Ah Don Juan non ne la touchez pas ! Elle vous emporter dans le feu et l'enfer
- De telles choses n'existent pas, et j'en veux pour preuve ceci :
* il s'approche et ôte le drap *
- or ça par exemple, ce n'est point une statue, c'est un jeune homme !
- la peste soit de ce coquin mon maître, a-t-on idée de pareilles plaisanteries !
- Pardonnez-moi Messieurs, je m'ennuyais tant que j'éprouvai le besoin de devenir automate. Compliments l'ami, vous n'avez froid aux yeux
- Pardieu, voilà une statue bien sympathique ! Vous me plaisez camarade, je suis Don Juan pour vous servir
- Salutations à vous, je suis le Chevalier de Chiffreville.
Au Second Jour il fut à la taverne : - Ah Don Juan, vous voilà donc !
- Chevalier, me voici donc ! M'attendiez-vous si fort ?
- Oui... non ; en réalité je suis presque surpris, je ne pensais point que vous viendrez
- La bonne compagnie ne se fuit pas mon ami. De plus j'avais promis
- Oh, mais de ces promesses vous en avez tant fait
- A vous non, aucune que je ne tiendrais pas.
- Alors à boire Don Juan, et trinquons à vous, à moi, à nous !
Au Troisième Jour il fut à l'heure :- Vous êtes exact Chevalier
- Pardieu, nous arrivons ensemble !
- Il faut donc croire que nous tenions à nous voir !
- J'aime croire cela Don Juan, et vous aussi.
- Allons, à boire et trinquons Chevalier !
- Racontez-moi votre journée
- Elle débute avec vous
Au Quatrième Jour il fut en avance : - Comment déjà Chevalier ?
- Eh, vous ici ? Nous sommes en avance
- C'est que nous avions hâte de nous retrouver
- On le croirait bien !
- C'est amusant n'est-ce pas ?
- Oui.... et votre journée Don Juan ?
- Je n'attendais que de vous la raconter !
- Mais avant....
- A boire !
- Et trinquons !
Au Cinquième Jour il douta : - Allons donc, à la diète Don Juan ? Je n'y crois pas
- Et pourtant c'est ainsi, depuis notre rencontre je suis au régime privatif mon cher
- Don Juan privé de femmes ! Qui l'eut cru ?
- Ma foi, je m'en suis peut-être gavé jusqu'à l'indigestion ; votre amitié me nourrit tout autant
- C'est joliment dit !
- Bah, j'espère que ça ne durera pas....
- Notre amitié ?
- Non. Non ! Je veux dire, la diète et le régime
- Ah..... l'appétit vous manque
- Oui, je crois
- Allons, cela reviendra ! Tavernier, à boire à boire !
Au Sixième Jour il chuta : - Personne. Nul ne vient plus. Où donc est-il, où court-il ? Cet appétit, ce que nous disons l'autre soir.... je le ressens, intensément. Il n'est pas là, pourquoi ? M'abonnerait-il ? Aurait-il honte de ces nuits ensemble ? Jamais je n'ai pensé, jamais je n'aurai cru...... mais il ne vient pas. Non il ne viendra plus.
* Silence *
- Alors soit, tant pis ! Ce souvenir de lui je l'effacerai, et sur-le-champ ! Que la chair de la femme soit mon salut, à moi à moi ô vieux démons : cette nuit je renonce à tout folie et je prendrai le chemin de la femme ! Sus, sus, à Angélique, aux Chiffrevilles !
Au Septième Jour, il mourut : - Chevalier....
- Don Juan.... où sont vos témoins ? Notre affaire ne saurait souffrir de retard
- Je les aie décommandés, ils ne viendront pas
- Alors en garde, inutile d'attendre !
- Non
- Je vous tuerai donc, et je suis à jeun sachez-le. Ce que vous avez fait.... à moi et à ma sœur. Vous m'êtes odieux Don Juan, je vous effacerai
- J'ai eu les mêmes mots hier soir, et je le regrette à présent. Ne faites pas cela Chevalier.
- Il est trop tard, à mort Don Juan !
- Je ne me battrai pas
- Tant pis pour vous, lache et pleutre que vous êtes
- Oui j'ai peur, j'ai peur pour vous. Vous êtes à jeun et je ne pourrai vous défaire simplement : c'est votre mort que je vois au fil de mon épée, mais je ne le veux pas. Ne vous faites pas plus méchant que vous n'êtes.
- Je vous hais !
- Non c'est faux, je puis le voir et l'entendre..... il y a un espoir Chevalier, vous et moi, je.....
* Le jeune homme s'élance soudain sur Don Juan et vient s'empaler sur son épée *
- Ah mon Dieu, non !
- Je meurs Don Juan, voilà qui est fait
- Je je n'ai rien fait... rien pu faire... Je
- Je sais, mais il le fallait.
- Pourquoi ? Pourquoi !
- Les chiens galeux..... on doit abattre... les chiens galeux
- Vous n'êtes pas comme cela, vous ne l'êtes pas pour moi
- Si Don Juan, c'était ainsi et cela se termine. Mais avant de mourir, approchez que je vous le dise, et vous me le direz aussi. Vos yeux n'ont jamais menti, ils ne mentent pas. Dites-le avec moi Don Juan
- Je vous aime
- Je vous aime
- Vous le dites bien, mais vous n'avez encore l'habitude. Encore une fois, avec vos yeux..... oui, voilà. Adieu Don Juan !
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Karb est mort, il était Gusman l'écuyer des nobles hispaniques, mais aussi
Simple VillageoisAu boulot ! Vos révélations sont là.