[Nuit 1] Que le rituel commence

La jeune fille avait toujours été relativement seule dans sa vie. En dehors sa famille, elle n’avait jamais été capable de tisser de lien durable. A l’école, elle était très discrète et ne se mêlait pas beaucoup aux autres enfants. Inversement, jamais personne ne venait vraiment la voir. Plus la jeune fille grandissait, plus cela lui paraissait normal. Toutes choses considérées, elle n’avait rien d’exceptionnel. Elle avait toujours été moyenne à l’école, moyenne en sport, moyenne en tout. Alors elle s’était convaincue que c’était normal et qu’elle pourrait bien continuer comme ça aussi longtemps qu’il le faudrait, ou jusqu’à ce qu’elle se découvre un talent.

La disparition de son grand-père fut déjà une perte incroyablement douloureuse, mais celle de ses parents aurait surement dû être celle qui finirait de l’achever. Heureusement pour elle, même si elle l’ignorait, son grand-père était Gardien et avait prévu tout ça grâce aux cartes. Et « tout ça» allait jusqu’à la date de la tragédie.

Evidemment, il tentât de changer le futur et de convaincre son fils de devenir le prochain Gardien, mais celui-ci refusât, confirmant ainsi ce qu’avaient prédit les cartes et traçant le plus sombre des futurs. Il se mit alors à soigneusement rédiger sa lettre. En la laissant à M.Varay, il lui expliquât son contenu et lui fit promettre d’être auprès de sa petite-fille le jour indiqué. Lors de l’annonce du décès, ce fut le notaire qui décrochât le téléphone. Et conformément aux instructions du grand-père, il ne dit rien du contenu de sa discussion avec la police à la jeune fille. Il se contentât de lui donner la lettre en disant que le temps pressait, et que l’heure n’était pas aux condoléances. Puis il quitta la maison, laissant la petite-fille de feu son ami face à son destin.

La jeune fille ne comprenait pas encore ce qu’il se passait lorsqu’elle lût la lettre. Elle était coincée entre deux feux. D’un côté, elle venait de perdre les dernières personnes auxquelles elle avait jamais tenues. De l’autre, si son grand-père disait vrai, elle avait une lourde responsabilité qui l’attendait. Mais comment tout ceci était-il possible ? Pourquoi ne pouvait-elle s’empêcher d’y croire ? Elle séchât ses larmes et empoigna les clefs de son grand-père. Face à cette porte qu’elle avait toujours crue condamnée, elle saisit donc la plus grosse clef. C’était une clef en or. Elle correspondait clairement avec la serrure de la porte. Et en un tour de main, cette dernière dévoilât un grenier poussiéreux. Elle trouvât facilement la cassette décrite par la lettre, mais hésitât au moment de l’ouvrir. Elle se posait des questions. Et si c’était vrai ? Qu’ai-je à perdre à y croire ? Et si ce n’était qu’une mauvaise blague ?

Finalement, ce fut son envie d’y croire qui l’emportât. Elle ouvrit la cassette, emplie d’une volonté de fer pour confronter la lettre de son grand-père à la réalité. Elle y trouvât un jeu de cartes et une petite note sur un papier. Elle saisit d’abord le papier, pour y lire l’inscription suivante :

Vingt-et-un Arcanes forment un jeu, et le vingt-deuxième s’amuse.

Voyez-vous ce passé qu’ils ont redessiné,
Ses traits sont durs, ses traits sont purs.
Et rien ne pourrait les changer,
Alors regardez-les, mais n’en ayez cure.

Vingt-et-un Arcanes forment un jeu, et le vingt-deuxième s’amuse.

Voyez-vous ce présent qu’ils veulent vous révéler,
Ses traits sont durs, ses traits sont purs.
Et rien ne pourrait les changer,
Alors regardez-les, si cela vous rassure.

Vingt-et-un Arcanes forment un jeu, et le vingt-deuxième s’amuse.

Voyez-vous ce futur dont ils sont la clef,
Ses traits n’ont rien de sûrs.
Un rien pourrait les changer.
Oui, vos choix en font la carrure.

Vingt-et-un Arcanes forment un jeu, et le vingt-deuxième s’amuse.

Quant à moi, je peux tout voir,
Enfant de Pandore, tel est mon destin.
Je jette les dés au carrefour de ces temps si noirs,
Afin de rétablir l’équilibre des temps anciens.

Vingt-et-un Arcanes forment un jeu, mais devant moi, le vingt-deuxième s’excuse.